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Télévisionmagazine

Thierry Ardisson, animateur grand public

Un drôle
de paroissien

Confesseur lubrique par qui le scandale arrive, goujat nanti fuyant son passé, intervieweur habile en quête d’humanité... Monsieur « Tout le monde en parle » est tout cela à la fois. Mais l’homme en noir au masque impénétrable est surtout la seule bête de télé capable de réconcilier le culturel et le populaire. Portrait.

dans la Creuse, au mois de janvier, Thierry Ardisson serait un Janus. Un être au visage double, le gardien de ses propres clés. Un homme qui a choisi de faire d’un complexe – ses formes, qu’il trouve disgracieuses – une coquetterie en ne s’habillant qu’en noir, la couleur qui absorbe toute la lumière sans la restituer. Et a fait de lui, par association d’idées, une sorte de vampire, une créature aussi inquiétante que redoutée. Star du petit écran, Thierry Ardisson a su imposer un style original et outrancier qui tranche avec la tradition du lisse et de la consensualité. Ex-écrivain mineur, ex-homme de presse insolent et ex-publicitaire surdoué, il est désormais un nanti. Il possède l’appartement de ses rêves, amoureusement décoré et meublé, rue de Rivoli, face aux Tuileries, même s’il ne l’habite pas. Il dort dans son autre demeure, rue du Faubourg-Saint-Honoré, immeuble cossu qui sert de siège social à ses multiples activités de patron de sociétés. Son épouse, Béatrice, et ses trois enfants, Manon, Ninon et Gaston, vivent, eux, dans une vaste propriété, avec écurie et chevaux, en Normandie. Autrement dit, c’est un homme qui a obtenu la revanche sociale qu’il souhaitait sur sa vie. Mais qui est encore loin d’être satisfait ou compris. Thierry Ardisson est une mécanique bien huilée, un être machiavélique en quête d’humanité qui s’est construit tout seul. Avec, pour moteur, un seul mot d’ordre : contre, toujours contre. Personnage public, il s’est bâti dans l’opposition, la réaction : à son enfance malheureuse, à ses origines méditerranéennes et aux icônes en place. Et tant pis, puisqu’il s’agit de se faire remarquer, s’il faut flirter avec l’excès. « Quand je me revois

A la mi-janvier dernier, sur le plateau de ça s’en va et ça revient, prime time racoleur présenté par Thierry Ardisson sur France 2, une surprise a été réservée à l’animateur sulfureux en quête de reconnaissance populaire. Catherine Barma, sa productrice, programmatrice et âme soeur, lui a retrouvé quelques amis perdus de vue. Trois revenants du passé si secret de Thierry Ardisson, d’anciens compagnons de Fac d’anglais à Montpellier, déboulent sur le plateau. Mais l’animateur, plus de trente ans après, peine à feindre plus qu’un vague émoi de circonstance. « C’est vrai, admet-il quelques semaines plus tard devant une coupe de champagne rose au bar de l’hôtel Bristol, son QG, ça ne m’a rien fait. Parce que ma vie est faite de portes fermées. » Une habitude prise dès sa prime enfance afin de mieux supporter les constants déménagements que lui imposait le métier de son père, ingénieur des travaux publics, admiré mais plutôt distant. Ardisson, animal glacial dont les émotions répondent depuis trop longtemps aux abonnés absents ? Ou bête blessée qui refuse obstinément de rouvrir trop de plaies cicatrisées par nécessité ? « Je ne sais pas pourquoi j’ai tant détesté cette enfance, pauvre et nomade. Pourtant, mes parents faisaient le maximum. Mais je sentais qu’il y avait une injustice, que je n’appartenais pas à ce monde. J’ai toujours voulu être connu et reconnu. » Né en 1949 à Bourganeuf,

Thierry Ardisson :
« A force de travail et de maturité, j'ai énormément évolué. Aujourd'hui, ça en fait sourire certains, je me définis comme un chrétien de gauche.»

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p 85    Télérama n° 2721 – 6 mars 2002

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