Lettre de Philippe Karampournis à Thierry Ardisson

Le 19/11/2006

Thierry,

Je pleure certains samedis soir, les rares fois où je branche mon poste de TV. Je pleure car le spectacle qui est donné n’est en rien comparable au modèle dont il s’inspire et que vous aviez créé.

En effet, votre confrère Laurent, aussi brillant soit-il, ne peut reproduire Tout Le Monde En Parle, rien dans le résultat n’arrive au subtil mélange que votre émission savait si bien obtenir. Ce qui me plaisait dans TLMP, c’est cette confrontation entre les people, les politiques, les gens de talent, les opportunistes, les raffinés, les grossiers, les chastes, les lubriques, les mondains, que vous-même interrogiez avec votre fausse candeur, mais toujours avec respect. Même si Laurent Ruquier invite ces gens, il est obligé de s’entourer pour les questionner. Et tous d’essayer de briller au lieu de servir les invités comme vous le faisiez. Laurent a souvent un sourire gêné, car il traite les choses les plus graves avec légèreté. Je me souviens d’avoir entendu des sujets graves dans votre émission de divertissement, le public suivait. Dans On N’est Pas Couchés, rien de grave n’est traité, il n’y a pas d’engagement, et les thèmes sérieux sont pris à la légère. L’interview d’Olivier Besancenot hier soir est tombée à plat, même si Zeimour avait une vraie question à lui poser, le système s’est bloqué à un moment, plus personne ne traitait du fond, et Olivier a quitté le plateau complètement dépité. Faire venir ses gorilles casse la confiance, les surenchères de concours d’intelligence, au bout d’un moment, ça lasse.

J’admirais vos fiches, votre préparation, vos questions justes, votre à-propos, et surtout, vous laissiez le débat s’installer entre les invités. Nous avions assisté à de belles joutes, à des prises de position magnifiques d’artistes, des quolibets de Bigard, de l’engagement d’Arditi au regard de Jamel, pour ne citer qu’eux. Chez Ruquier, chacun reste à sa place, plus personne n’intervient, car aucune mayonnaise ne prend. Même si Edouard Baer hier soir a tenté de se lever, il a vite été remis à sa place par je ne sais quel découragement et comme Olivier il a dû se dire "Oh, et puis merde !".

Je regrette aussi les jolies filles que vous invitiez et que Laurent amène à contre-coeur. Elles éclairaient la soirée grâce au regard que vous portiez sur elles et à l’attention amoureuse de vos insinuations. En résumé, dans TLMP, on touchait à la fois au plus grave, au plus lubrique, au plus insolent, au plus léger, et ce, dans des instants très rapprochés. Vous avez révélé au spectateur les vraies personnalités de certains. En voyant leur réaction ou leur silence face à des sujets qui ne les concernaient pas, le spectateur comprenait leur sincérité, leur profondeur. Combien vous avez "cassé" d’hommes ou de femmes people ou politiques quand un junky, une actrice de porno, un repris de justice s’exprimait. On ressentait leur gêne, mortelle !

Alors, j’aurais tellement à raconter, que je préfère continuer de pleurer en regrettant votre émission et vous, et en espérant que le service public mette fin à cette mascarade, et nous ramène les bons moments d’Ardisson le samedi soir, les rares moments où la TV était bonne, authentique, vraie.

Bien à vous,
Philippe Karampournis.

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